Inauguration de la stèle érigée en honneur des victimes de la traite européenne des Noirs & en Hommage à Aimé Césaire, 17 avril 2009

En date du 17 avril 2009, une stèle a été inaugurée par la Ville de Toulouse, M. Pierre Cohen et de son adjoint, M. Jean-Paul Makengo, en charge du projet.



En présence du Collectif 161 constitué pour la commémoration de l'abolition de l'esclavage, de la traite Transatlantique et de l'Océan Indien.

Nous vous proposons de parcourir le discours de Marie-Ange Thébaud, membre du CRAN Midi-Pyrénées,

"Au nom du Collectif 161, je remercie Monsieur Pierre Cohen, Député-maire de Toulouse d’avoir installé cette stèle dédiée à la mémoire de l’Esclavage ici, au Parc Compans Caffarelli qui inspire, calme, méditation et sérénité.

Je remercie le Collectif Toulousain pour la Commémoration de l’abolition de l’Esclavage de m’avoir choisi pour le représenter en ce 17 avril pour l’inauguration de la stèle et l’hommage à Aimé et ses airs d’immortel, d’universel.

L’Assemblée Nationale et le Sénat Français ont adopté le 21 mai 2001 le texte de loi proposé en 1998 par Christiane Taubira, député maire de la Guyane Française. Par ce texte de loi, la République Française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’Océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques, aux Caraïbes, dans l’Océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’Humanité.

Le collectif est très honoré par cette loi car non seulement elle défend la mémoire des esclaves mais défend, aussi, l’honneur de leurs descendants.
Sur tous les continents, les Diasporas noires, organisées et conscientes de la permanence d’un mépris plus ou moins exprimés envers l’ancien esclave, sollicitèrent les Nations Unies jusqu’à ce soit organisée en 2001, à Durban en Afrique du Sud « la conférence contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance’ . Pour la première fois, des chefs d’Etat ou leurs représentants ont reconnu que l’Afrique a subi une hémorragie de ses hommes et que les conditions dans lesquelles s’est déroulé ce trafic infâme constituent un crime contre l’humanité.

Je cite ici des extraits du film « Noires Mémoires » de François Rabaté : L’esclavage fut un trafic infâme et une pratique très ancienne. Déjà chez les Grecs et les Romains, les prisonniers de guerre, les « barbares » issus des peuples voisins et ceux placés dans l’incapacité de payer leurs dettes formaient l’essentiel du contingent servile. Mais, avec les Européens, l’esclavage prend une nouvelle dimension : par le nombre d’individus concernés, par la durée du phénomène, par l’inscription de l’esclavage dans le Droit, par sa codification. Les Européens innovent et mettent en place un système organisé qui reliera trois continents et qui réduira ces esclaves à l’état de simple marchandise. Définir avec précision le nombre d’Africains réduit en esclavage et victimes de la traite négrière est encore impossible à nos jours. Les chiffres oscillent entre 30 et 100 millions d’individus, sans compter les anonymes engloutis par les Océans en cours de route…
Faisons un bref rappel : de manière générale, les Européens se sont dirigés ver la « Côte des esclaves » aujourd’hui identifiées comme le Bénin, le Nigeria, le Cameroun, le Congo et le Sénégal. Une fois débarqués, les Européens délivraient leurs cargaisons et cherchaient à se procurer une main d’œuvre gratuite pour remplir les bateaux. Il a fallu capturer des individus et en faire des esclaves. Pour cela, ils ont soudoyé des mercenaires occidentaux et parfois des Africains capturés à qui ils ont imposé des chasses de Noirs en échange de leur liberté. C’est ainsi que des esclaves pris dans certains pays se sont retrouvés libres dans des pays voisins. Dans une autre logique, certains chefs de petits royaumes ont concédé aux Européens des prisonniers acquis lors de razzias et de guerres intestines. On a dû leur forcer la main pour mettre en place des filières de la traite des Noirs. Autre méthode utilisée : la capture des chefs de guerre et l’échange de leur liberté contre plusieurs hommes ou femmes noirs.

La résistance, elle a existé en Afrique : des soulèvements ont eu lieu, notamment au royaume du Dahomey ou chez les Bambaras mais les guerres intestines et la course aux armements auxquelles se livraient quelques royaumes du continent africain ne permettaient pas la cohésion nécessaire à une opposition centralisée.
Les femmes espaçaient les naissances : un deuxième enfant était le bienvenu lorsque le premier était en âge de marcher et de fuir. D’où forcément une baisse de la natalité.
Dans les îles : Les esclaves ont fui, mis le feu aux plantations, étranglés leurs maîtres. Certaines femmes ont su tirer parti de leurs atouts, mais d’autres plus rebelles sont devenus des Nèg’mawonnes ! Certains l’ont payé de leur vie, mais d’autres nègres marrons ont fui dans le fin fond des montagnes et ont su profiter de la liberté bien avant l’abolition de l’esclavage.

Selon l’UNESCO, des traces écrites ont existé mais d’une manière dispersée : au Bénin notamment des archives auraient été détruites à la veille de l’indépendance. L’île de Gorée au Sénégal incarne le départ de ce périple infernal et la souffrance du peuple noir.
Au Bénin, la ville de Ouidah marque le départ de la Route des Esclaves. D’Afrique en Amérique le voyage fut monstrueux. Une fois arrivés dans l’archipel antillais, au Brésil, au Surinam et dans les Colonies de la côte Est des Etats-Unis, ces hommes, ces femmes et ces enfants ont été débarqués et vendus aux planteurs locaux. De Tanzanie, du Mozambique, de Zanzibar, du Kenya en passant par Madagascar ils ont été emmenés vers Maurice, la Réunion, les Comores et vendus eux aussi. Ils ont pris le nom de leurs maîtres en arrivant sur les plantations. Pour les femmes, la vie fut particulièrement dure, violées par les maîtres et les régisseurs, elles donnèrent naissance à des mulâtres ou métis qui ont constitué plus tard l’élite politique des colonies. L’homme esclave quant à lui, à du subir la négation de sa paternité : dès la naissance, ses enfants appartenaient déjà au maître.

Dans leur immense majorité, les esclaves participaient aux travaux des champs, les coupeurs et les amarreuses se partageaient la tâche, d’autres étaient directement rattachés au service de la maison ou employés pour l’éducation des enfants blancs.
Sur le site des archives nationales françaises, nous pouvons trouver des textes d’écrivains ou de citoyens Européens qui étaient contre l’esclavage. En Angleterre par exemple, Darwin et sa famille étaient contre l’esclavage.
Dans la lente et difficile conquête des libertés, où rien n’est donné, le combat des abolitionnistes s’est inspiré de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, les décrets d’Abolition firent leur apparition en 1833 en Grande-Bretagne et 1848 en France.
Que ce soient en Europe, en Afrique ou bien ailleurs, ceux qui ont été témoins mais pas d’accord avec le trafic ont souffert de n’avoir rien pu faire. En Afrique, nous dit-on, les familles ont pleuré pendant longtemps les membres de leur famille ou les amis perdus en se demandant où ils étaient passés et ce qu’ils étaient devenus… Les coupables ne sont plus de ce monde, leurs descendants ne sont pas responsables de ce qui s’est passé à l’époque. Si le racisme, ce « crime de cœur et d’esprit »*, découle directement de l’esclavage, nous ne pouvons que souhaiter que l’histoire universelle de l’esclavage soit transmise de génération en génération afin que chaque génération se remette en question, fasse un travail profond sur la tolérance envers les autres, pour que la paix s’installe en chaque être et entre les citoyens du monde.

Merci encore, M. le Député-Maire de Toulouse pour cette stèle, « Femme nue femme noire comme le disait si bien Sedar Senghor, vêtue de ta couleur qui est vie, la beauté de ton corps n’a cessé d’être chanté ou sculpté au gré des inspirations.

Femmes noires, mères de nos vies, de notre histoire, nous vous accordons aujourd’hui un hommage particulier car, de vos seins, vous avez nourri et transmis ce sang qui est le nôtre. Vous nous avez transmis la beauté, l’intelligence, le courage, la dignité, la force et l’amour.
Beautés des îles, sportifs de haut niveau, intellectuels de renoms, chanteurs, épouse de chef d’Etat, poètes, nous savons faire honneur à nos ancêtres et là-haut, ils doivent être fiers de nous. Nous sommes aussi fiers de ce qu’ils nous ont transmis, fiers de notre négritude, comme le fut Césaire. Du Noir fondamental est venue la vie, cette vie qui nous est arrivée de là-haut, d’un trou noir, d’une étoile, d’une star comme le fut et le restera Aimé Césaire. Voici un extrait de « Nègre je suis, nègre je resterai..» :

«… L’homme est comme il est…. Il faut libérer l’homme nègre, mais il faut aussi libérer le libérateur. Il y a un problème en profondeur. Un problème de l’homme avec lui-même. (p. 46 et 63).

Pour découvrir qui l’on est, Aimé Césaire conseille la culture universelle. Tout doit nous intéresser, dit-il, c’est à chacun de trouver une réponse. Aucun de nous n’est en marge de la civilisation universelle. Elle existe, elle est là et elle peut nous enrichir, elle peut aussi nous perdre. C’est à chacun de faire le travail."

* extrait du discours de Jacques Chirac « L’ensemble de la mémoire de l’esclavage doit entrer dans notre histoire » en l’honneur du Comité Pour la Mémoire de l’Esclavage , Elysée - janvier 2006 Nègre je suis, nègre je resterai – Entretiens avec Fançoise Vergès – Albin Michel 2005 – pages 46, 50, 63

Zot Zinfos - L'anniversaire de l'abolition de l'esclavage célébré à Toulouse
Inauguration d'une stèle à Toulouse, à l'occasion de la commémoration du 161 anniversaire de l'abolition de l'esclavage. L'inauguration de la stèle

Le vendredi 17 avril dans le jardin de l'Europe (Compans Caffarelli), l'inauguration de la stèle municipale, par le maire de la ville deToulouse, le collectif des associations réunionnaises et le collectif 161. Le 10 mai de 10h à 20h30, jardin et scène. * Le rendez -vous littérature. * Jeux de scène, danses, chants, compositions, etc... * Le groupe traditionnel réunionnais FON'KER (MALOYA)

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